Si le rôle du professeur de musique, particulièrement en cours de guitare pour nous, est entre autres, de « développer la culture musicale » des enfants et des jeunes (j’inclus pour ma part les adultes dans les« cibles » de l’enseignement en cours de guitare, auxquels le professeur doit également servir de
guide, en lien avec sa spécialité), il me paraît important, en collaboration avec les professeurs d’autres disciplines, de faire du lien entre l’œuvre étudiée et une époque, entre les contraintes physiques et les spécificités d’un répertoire : en ce sens, prendre conscience, par exemple, qu’une partie du répertoire de guitare a été écrit pour des guitares ¾ de l’époque ( le cas de Augustin Barrios Mangoré né en 1885) ce qui permet d’expliquer des difficultés inhérentes à certains phrasés , que nous devons adapter à des instruments modernes.
Je crois beaucoup en l’importance de proposer une grande variété de répertoires aux élèves , en précisant les sources, afin d’aiguiser leur curiosité musicale, mais également afin de toucher du doigts la notion d’interprétation. Le fait de faire du lien entre l’œuvre et son contexte d’écriture permet en outre d’oeuvrer à une culture musicale qui favorise le regard critique, et laisse à l’élève la possibilité d’exprimer ses propres préférences et d’aller se perfectionner, si affinités, avec un professeur spécialiste.
Dans cet échange permanent entre technique et esthétique, les musiques actuel-
les et le jazz ont des vertus pédagogiques non négligeables. En effet, un standard de jazz ou une ligne de basse permet de développer des compétences rythmiques, harmoniques et une approche de l’instrument qui peut être utile à l’exécution de n’importe quel répertoire ; pour ma part, c’est en jouant des grilles de blues en cours au C.N.S.M. de Paris et avec des jazzmen que j’ai pris conscience d’une pulsation intérieure que je n’avais jamais ressentie auparavant, et c’est en travaillant des œuvres contemporaines, pas exemple, Luciano Berio Sequenza n°11 pour guitare que j’ai appris à faire des « rasgueados » (entre autres) avec les quatres doigts de la main droite – l’index, le majeur, l’annulaire et l’auriculaire, pour mettre clairement en avant les quatres double-croches demandé et non pas avec les trois doigts habituels.
Le fait de trouver une place dans des effectifs instrumentaux variés permet également d’adapter son jeu en toute circonstance : un guitariste ne jouera pas de la même manière seul, en musique de chambre ou dans un orchestre.La possibilité d’éprouver un maximum de contextes pendant ses études ( et c’est là l’une des vertus principales de l’école de musique) permet à l’élève de faire des choix en connaissance de cause lorsque, à la fin de ses études, il devra trouver le cadre adapté à la poursuite de sa pratique.
Ce souci d’ouverture aux différents répertoires peut trouver de la matière par la rencontre avec les artistes ou des pédagogues extérieurs au cadre d’enseignement. Ainsi, la possibilité de travailler une œuvre de guitare classique directement avec le compositeur, d’entendre , en concert, un opéra ou la création d’une œuvre contemporaine sont autant de moyens qui permettent de donner du sens à une recherche esthétique sur l’instrument, et qui, en fonction des libertés autorisées par le projet de l’établissement, permettent de créer des repères solides pour les apprentis musiciens. Les master class ou les stages avec d’autres professeurs que celui qu’ils voient toutes les semaines en cours de guitare leur permettent également d’entendre un discours différent, d’autres manières de dire la même chose ou, dans le cas d’un désaccord entre les choix pédagogiques, de se situer par rapport à ceux-ci, en fonction de ce qui l’on est, et de ce à quoi on aspire. Bien entendu, cette autonomie vis à vis de la musique et des personnes référentes en ce domaine ne se construit pas en une année, qui est plus chez des enfants. Mais, dès les premiers pas, il me semble nécessaire de guider les élèves vers cet objectif , et de leur proposer un maximum de solutions aux questionnements qu’ils ne manquerons pas de rencontrer dans leur vie de musicien, non seulement en les orientant vers des personnes ressources, mais également en les incitant à se familiariser avec des lieux ressources ( bibliothèques, médiathèques, salles de concert, musées, etc.).